(BFM Bourse) - L'avionneur européen a abaissé ses prévisions de livraisons, de résultat opérationnel et de cash lundi soir, invoquant les difficultés de sa division spatiale et un regain de tensions sur sa chaîne logistique dans l'aviation commerciale.

C'est un impair qui fait tache d'huile sur la réputation d'Airbus. Après avoir largement manqué sa cible de livraisons en 2022, le groupe d'aéronautique et de défense a passé mardi soir un avertissement sur résultats en bonne et due forme, abaissant ses perspectives pour 2024.

Airbus compte désormais livrer environ 770 avions cette année, contre 800 précédemment, dégager un résultat opérationnel ajusté d'environ 5,5 milliards d'euros, contre une fourchette de 6,5 milliards à 7 milliards auparavant, et dégagé un flux de trésorerie libre d'environ 3,5 milliards d'euros, contre environ 4 milliards d'euros initialement. Ces objectifs livrés par le groupe s'entendent avant opérations de fusions-acquisitions.

Pour tenir compte de sa nouvelle trajectoire de livraisons, Airbus a également décalé son objectif de moyen terme de production sur son best-seller, la famille de monocouloirs A320 neo, véritable vache à lait du groupe. L'entreprise aéronautique compte à moyen terme arriver à une cadence de production de 75 avions par mois dans cette famille. Mais depuis 2021, en raison de tensions persistantes sur sa chaîne logistique, l'ex-EADS a plusieurs fois reporté l'horizon de cette cible.

D'abord fixé à 2025, cet objectif a été décalé à 2026. Lundi soir, l'entreprise l'a cette fois reporté à 2027.

A la Bourse de Paris l'action plonge de 9,4% en début de séance, ce mardi. Dans son sillage, Safran perd 3%, Dassault Aviation abandonne 4,3% et Thales 2,4%.

Les motoristes épinglés

Le groupe aéronautique a invoqué deux raisons distinctes pour expliquer l'abaissement de ses perspectives.

La première provient, une nouvelle fois, des difficultés de sa chaîne d'approvisionnement dans l'aéronautique civile. La situation chez les motoristes s'est même "dégradée", a expliqué Guillaume Faury, le président exécutif d'Airbus lors d'une conférence avec des analystes. Le dirigeant a explicitement cité Pratt&Whitney (Raytheon) et CFM International (coentreprise de Safran et General Electric), les deux motoristes des A320 neo, avec "des pénuries par rapport aux plans prévus".

La conséquence est qu'Airbus a recommencé à produire des "gliders", c'est-à-dire des planeurs, des avions finis mais qui manquent de moteurs pour être livrés à leurs clients. Du côté de Rolls-Royce, qui fournit les moteurs des A330 et A350, les problèmes sont davantage "marginaux".

Interrogé par un analyste de JPMorgan pour savoir si Airbus demanderait des compensations financières à CFM et Pratt and Whitney, Guillaume Faury a répondu que les motoristes "devront faire face aux conséquences de leurs retards".

En dehors des moteurs, d'autres éléments de la chaîne logistique ne se sont pas améliorés comme la société l'attendait.

Guillaume Faury a cité les équipements de cabines et d'intérieur, où les fournisseurs doivent à la fois faire face à une forte demande des avionneurs mais aussi des compagnies aériennes qui veulent moderniser les cabines de leurs avions. Il a également mentionné un manque de pièces important dans les "aérostructures" (fuselage, ailes..).

"Les commentaires sur la chaîne d'approvisionnement ne sont pas inattendus, mais restent une source de frustration pour les investisseurs", grimace Royal Bank of Canada.

L'espace en difficulté

En dehors des problèmes dans l'aéronautique civil, le spatial constitue la seconde cause de l'avertissement sur résultats d'Airbus. Cette activité est en difficulté depuis plusieurs trimestres.

Airbus a nommé une nouvelle équipe dirigeante dans cette activité qui a mené un 'examen technique' approfondi. Ce qui a conduit la société à identifier des nouvelles difficultés commerciales et techniques sur des programmes spatiaux pour les télécommunications, la navigation et l'observation. Pour tenir compte de ces soucis sur des programmes de long cours et en perte, Airbus a annoncé qu'il passerait une charge de 900 millions d'euros au cours du premier semestre 2024.

Cette charge est incluse dans les nouvelles perspectives livrées par la société, a précisé le directeur financier Thomas Toepfert.

Guillaume Faury a tenu à affirmer que l'espace "n'était pas une mauvaise activité pour Airbus" et que la grande partie des programmes spatiaux en difficulté ne poserait plus de risques d'ici à la fin de l'année.

Mais le dirigeant a également déclaré que la société évaluait "ses options stratégiques dans l'espace, telle qu'une restructuration potentielle, des modèles de coopérations, une revue de portefeuille et des options de fusions-acquisitions".

Cette charge de 900 millions d'euros "est un vent contraire pour la crédibilité de la direction sur le marché de l'espace, et nous pensons que toute mesure prise par la société pour réduire davantage les risques liés à cet aspect du portefeuille serait bien accueillie", juge Royal Bank of Canada.

La banque canadienne a abaissé son objectif de cours à 180 euros contre 190 euros auparavant mais reste à "surperformance" sur le titre, en raison de l'attrait de sa génération de cash à long terme. Elle reconnaît toutefois que la société risque de se retrouver dans une "penalty box" en Bourse en raison de ses soucis d'exécution.

Deutsche Bank, elle, a abaissé son conseil sur Airbus, passant d'"acheter" à "conserver", avec un objectif de cours réduit à 155 euros contre 186 euros auparavant.

La banque allemande évoque un "avertissement sur résultats stupéfiant" et "plutôt dommageable". "La poussière doit retomber avant que nous puissions redevenir positifs. Les livraisons du mois de juin sont apparemment faibles et rien ne garantit à ce stade que le nouvel objectif de livraison sera facile à atteindre d'ici la fin de l'année", prévient-elle.